A la sortie du palais de justice, Raoul repart avec son frère Marcel.
Ils décident que Raoul devrait venir à Auxerre là où s’est réfugié la famille après les bombardements de Reims. Mais sa présence est rapidement ébruitée. Des syndicats viennent même manifester sous les fenêtres de son père et de son frère. Après plusieurs mois Raoul retourne à Paris pour ne plus faire honte à sa famille.
Commence alors pour Villain une longue vie d’errance. La haine que lui voue le monde ouvrier le force à l’anonymat. Il se fait dorénavant appeler René Alba. Tant bien que mal il essaye de trouver un emploi mais le travail n’a jamais été son fort. Il rêve d’Amérique, mais l’armée lui refusant son livret militaire, il ne peut partir.
A cours d’argent il fait du trafic de monnaie. Le 19 juillet 1920, il se fait arrêter. Retour à la prison de la Santé qu’il a quittée quinze mois plus tôt. Il passe en jugement en octobre de la même année et s’en sort avec 100 francs d’amende pour trafic de devises.

Il tente de trouver un travail à Reims, mais son comportement ventant son geste ne l’aide en rien. Il continue les aller-retour entre Reims et Paris. Il vagabonde de ville en ville en changeant régulièrement d’identité.
Il décide de partir pour Tahiti en 1932. Mais le bateau ne partant pas en 1933, il réapparait sur l’île d’Ibiza. Il tombe amoureux de San Vincente et y acquiert un terrain sur lequel il se fait construire une étrange maison commencée par René-Paul Gauguin, le petit fils du peintre. Il ne terminera pas la maison de peur de ne pas être payé.
Un journaliste l’ayant visité indique que cette maison est « le fruit de l’imagination maladive et d’un esprit agité ». Elle est composée de pièces sans fenêtres, d’un escalier impraticable, de tourelles et de trappes. Il érige même une Chapelle avec une simple croix en bois.

Dans les rues, il chante à tue-tête Frère Jacques et rit aux éclats. On le surnomme « le fou du port ». Il se promène toujours vêtu d’une tenue coloniale de planteur.
Il envisage de se marier mais la jeune fille prend peur.
La guerre d’Espagne éclate. La terreur s’empare des habitants. Tout ce qui touche à la religion est exterminé. Mais Raoul n’a pas peur. Il est français donc ne se sent pas concerné. Il le dit à qui veut l’entendre. Le 13 ou le 14 septembre 1936, deux mois après le déclenchement de la Guerre civile espagnole, Raoul Villain est abattu par un détachement de soldats républicains sans que l’on connaisse les raisons de leur geste.
Quand est-il décédé ? Dans la nuit du 14 au 15 ou le 17 septembre ? Les témoignages divergent. Il sera enterré dans le cimetière de San Vincente sans qu’aucun prête ne soit présent. Une voisine aurait fait dresser une croix avec ces indications :
R.M.V.A
19.09.1885-15.09.1936
Sa famille voudra faire rapatrier son corps mais cela sera toujours refusé. Malgré tout le nom de Raoul figure sur le tombeau familial au cimetière du Nord à Reims.


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